Le débat sur les distorsions de taux de TVA refait surface à l’occasion de la préparation du projet de loi de finances. Plusieurs professions libérales souhaitent être alignées sur le tarif réduit, à savoir 10% au lieu de 20%. Jusqu’à présent, les avocats, les notaires, les huissiers de justice et les vétérinaires sont les seuls à être soumis à 10% de TVA sans droit à déduction.
En revanche, les architectes, géomètres, topographes, ingénieurs, conseils et les comptables sont taxés à 20%. Les médecins et les cliniques sont hors champ, sans droit à déduction.
La question de l’alignement de la TVA intervient à un moment où le gouvernement a engagé la réforme afin de resserrer la grille des tarifs à deux (10 et 20%) au lieu de cinq actuellement (0%, 7%, 10%, 14% et 20%). Les comptables déposeront cette semaine un mémorandum dans ce sens auprès de la Direction générale des impôts avec un scénario sur le réaménagement du tarif de la TVA.
«Nous proposons un amendement de l’article 99- 2° du CGI pour étendre l’application du taux de TVA de 10 % avec droit à déduction aux professionnels de la comptabilité: experts-comptables, comptables agréés et entrepreneurs de travaux de comptabilité. Conformément aux dispositions de l’article 99-2° du CGI, sont assujetties au taux de 10 % avec droit à déduction, les opérations effectuées dans le cadre de leur profession, par les personnes visées à l’article 89-I-12°-a», explique Mohamadi R. El Yacoubi, président de l’Organisation professionnelle des comptables agréés (OPCA). L’article en question concerne, entre autres, les notaires, les avocats, les interprètes…
«Le taux de 20% nous pénalise surtout quand il s’agit d’un client personne physique ou d’une entité telle qu’une clinique qui ne peut récupérer la TVA. Cela nous oblige souvent à rogner notre marge au profit du client», explique Brahim Bahmad, président du Cercle des fiscalistes du Maroc.
Pour les comptables, le passage à 10% au lieu de 20% sera compensé par le fait que la baisse de leurs honoraires inciterait beaucoup de contribuables à faire appel à leurs services.
«La question du réajustement du taux est en cours d’étude chez notre profession, d’autant plus qu’une partie importante de nos activités est la même que celles des avocats et des notaires», rappelle Issam El Maguiri, président de l’Ordre des experts-comptables.
Les comptables ne sont pas les seuls à être concernés par la question de la TVA.
«Nous facturons à nos clients étrangers des honoraires avec 20% de TVA. Or, en raison du principe de la territorialité, ils ne peuvent la déduire dans leur pays. De plus, en raison des restrictions au niveau du budget pour la lutte contre la contrefaçon, les donneurs d’ordres s’abstiennent d’introduire plus d’une action en justice pour le même produit. Dans le même temps, nous achetons les services des avocats qui sont taxés à 10%», précise un conseiller en propriété industrielle qui établit un parallèle avec le métier d’avocat.
Le motif derrière les disparités de taux de TVA échappe parfois aux contribuables concernés. Pourquoi les vétérinaires sont-ils taxés à 10% sans droit à déduction alors que les médecins et autres professionnels de la santé sont exonérés? C’est le résultat d’un marchandage politique au Parlement à l’institution de la TVA en 1986. Les deux professions sont d’ailleurs pénalisées parce qu’elles ne peuvent récupérer la TVA sur leurs achats de médicaments, de dispositifs médicaux, de fournitures de bureau…
De par sa nature, la TVA est supportée par le consommateur final. Mais bien qu’elle soit neutre pour les contribuables qui jouent un rôle de collecteur de taxe pour le Trésor, elle a un effet psychologique. «Quand nous facturons nos honoraires, nos clients sont toujours surpris par le montant TTC croyant que c’est un complément de marge bénéficiaire.
Or, en réalité, quand on déduit les différentes charges, l’architecte ne perçoit que 40%», déclare Charaf Eddine Berrada, président du Collège national des architectes experts marocains.
Les avis sont évidemment unanimes: «La TVA appliquée à l’architecture ne devrait pas dépasser 10% car l’habitat constitue un secteur vital pour les citoyens, déjà pénalisés par la taxation des matériaux de construction», signale un autre architecte.
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