Une société ne peut souscrire ou acheter ses propres titres sociaux ni directement ni par personne interposée. Ce principe d’interdiction, assorti d’une sanction pénale, est prévu à l’article 280 de la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes et à l’article 79 alinéa 5 de la loi n°05-96 pour les sociétés à responsabilité limitée. Néanmoins, le législateur admet quelques exceptions à ce principe. En effet, une société peut racheter ses titres dans les cas suivants :
-en cas de refus d’agrément d’un cessionnaire, dans le cas où une clause d’agrément d’actionnaire figure dans les statuts ;
-en cas de réduction du capital non motivée par des pertes ;
-en cas d’acquisition des titres suite à une transmission universelle ou à titre universel du patrimoine (par exemple suite à une fusion).
Ces trois dérogations sont communes aux sociétés anonymes (ci-après « S.A ») et aux sociétés à responsabilité limitée (ci-après « S.A.R.L ») tandis que d’autres sont spécifiques aux S.A à savoir :
-le rachat en vue de favoriser la liquidité du marché desdites actions, ou de les céder à titre onéreux ou à titre gratuit, aux salariés ou aux dirigeants de la société
-le rachat en cas d’émission d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote
Le principe étant celui de l’interdiction, la loi impose, dans la plupart des hypothèses suscitées, d’annuler les titres acquis par la société en procédant à une réduction du capital non motivée par des pertes, laquelle procédure est réglementée de façon substantielle par le législateur qui prévoit des conditions de fond et de forme à cette opération.
En effet, la réduction du capital est de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire pour les S.A et de celle de l’assemblée des associés habilitée à modifier les statuts dans le cadre d’une S.A.R.L, laquelle peut déléguer au conseil d’administration/directoire ou à la gérance tous pouvoirs à cet effet. L’assemblée ne peut se réunir qu’à l’expiration d’un délai de 45 jours suivant la communication au commissaire aux comptes (ci-après « CAC »), s’il y a lieu pour les S.A.R.L, du projet de réduction du capital précisant les raisons et les modalités de celle-ci afin qu’un rapport portant appréciation, par le CAC, des conditions de l’opération soit mis à la disposition des associés/actionnaires.
Dans l’hypothèse où l’assemblée approuve le projet de réduction qui lui est soumis, les créanciers de la société ont la possibilité d’exercer un droit d’opposition devant le Président du Tribunal statuant en référé, à condition que leur créance soit antérieure à la date du dépôt au greffe des délibérations de l’assemblée et que cette opposition se fasse dans les trente jours à compter de ladite date.
D’autres conditions de fond sont spécifiques au type de dérogation légalement prévu. Ainsi, en cas de rachat de titres suite à un refus d’agrément du cessionnaire, le consentement du cédant à l’effet dudit rachat est exigé tandis qu’une une autorisation statutaire, dans le cadre d’une S.A, est obligatoire afin d’exiger le rachat des actions à dividende prioritaire sans droit de vote émises par la société.
En outre, un formalisme rigoureux est imposé en vue du respect de l’égalité entre les associés/actionnaires. A cet effet, une offre d’achat, d’une validité de trente jours, doit être faite à l’ensemble de ces derniers sans distinction et proportionnellement aux titres qu’ils détiennent. Dans le cadre d’une S.A, l’information des actionnaires se fait par l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales et, si la société est cotée, au bulletin officiel ou par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception en cas d’actions nominatives ou de parts sociales dans les S.A.R.L.
Suite à l’approbation du projet de réduction par l’assemblée, les délibérations constatées de celle-ci doivent, dans un délai de trente jours à compter de la date de sa tenue, faire l’objet de formalités de dépôt et de publicité et une modification corrélative des statuts doit être opérée.
Les titres sociaux ainsi acquis par la société sont privés du droit de vote et doivent impérativement, dans un délai de trente jours après l’expiration du délai de l’offre d’achat, être annulés. Cette opération se traduit par un remboursement anticipé aux actionnaires/associés de leurs apports soit en numéraire soit en nature. Elle induit un impact fiscal lorsque la société a, au cours de la vie sociale, constitué des réserves, lesquelles peuvent figurer en tant que telles à un poste distinct du bilan ou avoir été incorporées au capital. Ainsi, sur le plan fiscal, la réduction de capital s’analyse comme une dissolution partielle de société, le gain réalisé par l’actionnaire est donc traité comme un boni de liquidation autrement dit comme un dividende. Cette rémunération de l’apport de l’actionnaire ou de l’associé est soumise à l’impôt sur le revenu de capitaux mobiliers selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, la loi impose des conditions spécifiques au rachat par une S.A faisant appel public à l’épargne de ses propres actions, en vue de favoriser la liquidité du marché desdites actions, ou de les céder, à titre onéreux ou à titre gratuit, aux salariés ou aux dirigeants de la société. A cette fin, l’assemblée générale ordinaire doit avoir expressément autorisé la société à opérer en bourse sur ses propres actions, laquelle autorisation ne peut être donnée pour une durée supérieure à dix-huit mois. Toutes les actions possédées au-delà de cette durée doivent être cédées dans un délai de six mois.
Contrairement au rachat en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes, la loi fixe une limite du nombre d’actions pouvant être rachetées à 10% du capital social ou d’une catégorie déterminée d’actions, lesquelles, sont, le cas échéant, dépourvues du droit de vote. En outre, elles n’ouvrent pas droit aux dividendes et leur droit préférentiel de souscription est gelé. La loi impose, par ailleurs, que ces actions revêtent la forme nominative et soient entièrement libérées lors de leur acquisition. A cet égard, le rachat ne doit pas affecter la situation financière de la société en ce sens que celle-ci ne peut puiser dans ses capitaux propres, et donc s’endetter, afin de financer l’opération de rachat, ce qui explique que la loi exige que la situation nette de la société soit égale ou supérieure au montant du capital augmenté des réserves non distribuables (réserves légales et statutaires).
La loi oblige, en outre, la société à disposer de réserves, autres que légales, d’un montant au moins égal à la valeur de l’ensemble des actions. L’autorisation de la société à l’achat des actions est de la compétence exclusive de l’assemblée générale ordinaire, laquelle autorisation doit être inférieure à une durée de dix-huit mois et doit déterminer le nombre d’actions à acheter ainsi que les prix maximum d’achat et minimum de vente (ces actions servant à réguler le cours boursier, elles sont destinées à être revendues).
En outre, les formes et conditions de ce rachat sont fixées par un décret du 24 Février 2003 qui institue une procédure de contrôle a priori et a posteriori.
Ainsi, avant toute procédure d’achat, une note d’information doit être établie et doit être visée par l’Autorité Marocaine du Marché de Capitaux (AMMC) et, le cas échéant, publiée dans un journal d’annonces légales. En effet, l’assemblée générale ordinaire des S.A dont les titres sont inscrits à la cote de la bourse des valeurs, ne peut autoriser la société à opérer en bourse sur ses propres actions que sur la base d’un document d’information élaboré et visé par l’AMMC et publié, dans les conditions et les formes requises par la loi 44-12 relative à l’appel public à l’épargne et aux informations exigées des personnes morales et organismes faisant appel public à l’épargne. Cette note doit, en outre, être mise à la disposition des actionnaires quinze jours avant la réunion de l’assemblée générale ordinaire. Suite à l’achat des actions en Bourse par la société, une information mensuelle de l’AMMC et du Public doit être effectuée par la tenue d’un registre des transactions par la société qui sera transmis à ladite Autorité.