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vendredi 16 septembre 2016



Le développement du système financier islamique 


Ce chapitre traite des différentes voies qui ont été adoptées et qui ont permis l'application de tous les principes et techniques financières développés ci-dessus, en réponse à diverses circonstances historiques et économiques de la seconde moitié du 20éme siècle tant dans le monde musulman que non-musulman.
Nous commencerons par un aperçu rétrospectif du développement des différentes institutions financières répondant aux préceptes islamiques et de leur évolution depuis les années 70 dans le secteur privé à travers le monde musulman. Nous verrons également comment la restructuration de tout le système bancaire selon les normes islamiques s'est déroulée dans des pays comme le Pakistan, l'Iran et le Soudan. Nous parlerons également de la Malaisie, qui, malgré qu'elle n'ait pas islamisé tout son système, possède un état d'avancement assez remarquable dans le domaine. Nous examinerons ensuite l'intégration du système islamique et de ces principes dans les pays non-musulmans tels que la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, tant au niveau des banques qu'à travers d'autres instances comme les places financières. Par après, nous entamerons les différentes coopérations émergeant entre les deux systèmes. Enfin, nous terminerons par Ime évaluation de la situation actuelle, tant au niveau des problèmes que rencontrent les banques islamiques qu'à celui des opportunités qu'elles offrent et des perspectives pour le futur. 

1. Histoire et développement du système financier musulman.
1.1. Evolution dans le monde musulman 

Ce n'est que depuis la Seconde Guerre mondiale et le début de l'indépendance des pays musulmans qu'on voit émerger une renaissance de la finance islamique. La fin du colonialisme et la recrudescence du sentiment de religiosité ont largement contribué à ce phénomène, mais ce sont véritablement les immenses revenus engendrés par les différents booms pétroliers qui ont alimenté et permis sa croissance.
Cependant, pour retrouver l'origine de ce mouvement, il faut remonter bien plus en arrière, vers la moitié des années 30, époque à laquelle certains ulémas (savants musulmans) tentent une approche islamique des différents problèmes socio-économiques, problèmes qui les amenèrent à s'interroger sur la légitimité de l'application de l'intérêt dans leur économie. Ainsi, ils se distinguaient, dans leur réflexion, des économistes de l'époque puisque leur volonté ne résidait pas, comme ce fut le cas jusqu'alors, à modifier les injonctions islamiques pour les adapter aux pratiques financières occidentales. Ils désiraient, au contraire, réaffirmer les préceptes islamiques, sans accorder aucun compromis, et convaincre l'opinion publique de la nécessité d'un retour vers un système économique en conformité avec les normes de l'Islam. Certains banquiers et économistes musulmans répondirent à l'appel mais aucune des tentatives n'eut réellement un impact décisif. On retrouve plusieurs exemples remontant à cette époque en Malaisie dans le milieu des années 40 et dans le Pakistan des années 50, à travers l'apparition de coopératives rurales accordant des crédits sans intérêt. En 1962, le gouvernement malais mit à la disposition de sa population le «Pilgrim's Management Fund", qui permit aux fidèles d'épargner pour l'accomplissement du pèlerinage à la Mecque. Malgré que l'étendue de l'activité de ces différentes instances reste limitée, elles représentaient sans conteste l'ouverture à de plus larges aspirations et certains voient en cette première ébauche la première phase de l'islamisation du système économique et financier.
L'émergence des discussions théoriques sur l'économie et la finance islamique n'a été concrétisée dans la réalité qu'en 1963 à Mit Ghamr en Egypte. Cette première banque jouait essentiellement le rôle d'une banque d'épargne basée sur le système du partage des profits et des pertes mais ne projetait cependant aucun dessein religieux, évitant de cette manière d'être perçue comme une manifestation du «fondamentalisme musulman» qui était alors un anathème aux yeux du régime politique en place à cette époque. Cette expérience se poursuivit jusqu'en 1967, temps auquel plus de neuf succursales s'étaient implantées à travers tout le pays, étant donné le succès grandissant qu'avait connu l'application d'un système en conformité avec la Chari'a. Peu de temps après la cessation de l'activité de cette première banque apparut, en 1971, la Nasser Social Bank, qui opérait également sans intérêt et dans les statuts de laquelle n'apparaissait aussi aucune référence à la Chari'a
Le début des années 70 fut la scène d'un véritable changement politique et idéologique dans le paysage arabo-musulman. L'indépendance économique et politique face à la mainmise occidentale était de plus en plus marquée, et permit à la population de ces différents Etats d'exprimer et de pratiquer librement sa foi. Ce regain religieux se manifestait à tous les niveaux de la population et dans tous les domaines, en particulier dans celui de l'économie et de la finance. Ceci nous conduit à la deuxième phase dans laquelle les contours d'un système bancaire alternatif rejetant l'intérêt et conforme aux objectifs de la Chari'a furent dessinés pendant différents séminaires et conférences tenus à cette époque
En 1975, un premier pas dans la concrétisation de ce système va être la constitution de la Banque Islamique du Développement, la BID, à jeddah. La BID, considérée comme le point de départ de l'essor des banques islamiques, est une banque intergouvernementale qui fournit les fonds nécessaires à des projets de développement dans ses 54 pays membres. La BIO fournit des services rémunérés par la couverture des frais qu'ils engendrent et une assistance financière à ses pays-membres basée sur le partage des profits. Les opérations de la 81D ne contiennent aucun taux d'intérêt et font, cette fois, explicitement référence aux principes de la Chari'a. Lors d'une interview à un programme télévisé pakistanais, le Dr Ahmad Muhammad Ali, Président de la BIO, tente de donner un aperçu des objectifs de l'institution: « ... les principaux objectifs derrière l'établissement de la Banque Islamique de Développement sont de promouvoir la solidarité et de renforcer les relations entre les pays-membres musulmans». II continue en expliquant comment la 81D a opéré jusqu'à aujourd'hui pour remplir son rôle: « ... la banque a financé un certain nombre de projets non seulement dans les pays membres mais également pour les musulmans vivant dans des pays non-membres ... la banque a mis en place divers programmes afin de promouvoir l'investissement direct entre les pays-membres au lieu d'utiliser des voies divergentes».
De la même manière, plusieurs banques islamiques, tant dans la lettre que dans l'esprit, vont apparaître dans les années 70 au Moyen-Orient. Ainsi, on peut citer la Dubaï Islamic Bank (1975), la Faysal Islamic Bank du Soudan (1977), la Faysal Islamic Bank d·Egypte (1977), la Banque Islamique de Bahreïn (1979), pour ne mentionner que celles-ci.
Les pays de l'Asie du Pacifique, bien que précurseurs du système financier islamique, étaient à cette époque moins enclins au changement, et il fallut attendre le début des années 80 pour voir s'établir en Malaisie la première banque islamique à part entière, la Bank Islam Malaysia Berhad (81MB). Le mouvement fut dès lors enclenché, et le nombre de banques islamiques ne cesse d'augmenter depuis cette époque.
La plupart des banques islamiques sont d'initiative privée, dans lesquelles le gouvernement n'a pas de rôle ou seulement un rôle passif. Dans ce cas, les banques islamiques coexistent avec des banques opérant selon le système conventionnel, c'est-à-dire en pratiquant l'intérêt. Cependant, quelques pays musulmans, comme l'Iran, le Pakistan et le Soudan ont adopté une approche différente, celle de l'islamisation progressive de tout leur système économique et financier. 

1.2. Evolution dans le monde occidental 

Nous entrons ici dans ce que nous appellerons la troisième phase de développement du système bancaire islamique, c'est-à-dire son intégration dans des régions où la population musulmane est minoritaire et dans des pays occidentaux. 

1.2.1. Europe continentale 

Hormis le cas de la Grande-Bretagne, le mouvement d'intégration des banques islamiques en Europe est assez paradoxal. En effet, c'est dans les pays où la population musulmane est presque insignifiante qu'on retrouve les principales institutions implantées en Europe. Le mouvement d'intégration des banques islamiques en Europe Continentale ne connaît pas encore un réel succès, et celles qui ont été établies jusqu'à présent le sont essentiellement pour les avantages fiscaux et légaux qu'offre leur pays d'accueil.
C'est en 1978 qu'apparaîtra la première institution islamique en Europe, plus exactement au Luxembourg. L'«Islamic Banking System», qui sera rebaptisé plus tard la «Islamic Finance House Universal Holdings», sera essentiellement consacrée à l'acquisition par achat, échange, souscription, ... de parts dans des sociétés tant en Europe que dans le reste du monde. Cette banque s'est également largement impliquée dans le financement de projets communautaires (petits supermarchés, boucheries, ...), principalement en Allemagne.
IBS Luxembourg tentera d'élargir sa présence jusqu'au Danemark, où il installera une filiale en 1982. il sera ensuite racheté par la Dar al-Maal al Islami (DMI), avant de fermer définitivement ses portes en 1997.
Beaucoup plus tard, en 1990, va s'établir la Faisal Finance à Genève en Suisse, filiale de la Dar al-Maal al Islamic (DMl). Cette institution remplira principalement le rôle d'une banque d'affaires avec toutes ses implications. Une autre filiale de la DMI ouvrira également ses portes au Luxembourg, mais cette fois en tant que holding de type Soparfi (société de participations financières), et non pas sous le statut d'une banque.
Dans les pays d'Europe Continentale où la communauté musulmane représente une partie non-négligeable de la population, comme l'Allemagne, la France ou la Belgique, les banques islamiques sont jusqu'à présent non-existantes. Le principal argument avancé pour justifier cette carence est la présence de législations qui s'opposent à l'établissement de telles institutions.
En Belgique, plusieurs règles légales viennent entraver le développement de cette initiative. Dans un premier temps, la législation bancaire belge prévoit que toutes «les succursales d'établissements de crédit ne relevant pas d'un Etat-membre de l'Union Européenne sont soumises aux mêmes règles que les établissements de crédit de droit belge ... La Commission Bancaire et Financière peut ... refuser un agrément à la succursale d'un pays ne faisant pas partie de l'UE si elle estime que la protection des épargnants ... requiert la création d'une société de dmit belge). Les banques islamiques établies à J'étranger, étant en général des succursales de groupes basés au Moyen-Orient, sont soumises à cette règle.
L'une des règles les plus contraignantes est le système de garantie de dépôts géré par J'Institut de Réescompte et de Garantie des dépôts. Par ce système, tous les dépôts sont protégés des pertes réalisées ou de la faillite des banques par leur adhésion obligatoire à cette instance. Dans le système islamique, seuls les comptes courants garantissent le capital initial. Par contre, le capital investi sur les comptes d'investissement peut être sujet à une dépréciation, suite aux pertes possibles engendrées par le projet financé.
La législation bancaire belge énumère toutes les activités que les banques sont autorisées à pratiquer. Parmi celles-ci, certaines dispositions communes aux deux systèmes se retrouvent, telles que la collecte des dépôts, le leasing, les opérations de paiement, ... Au demeurant, les opérations commerciales réalisées dans le cadre des contrats de Murabaha ne sont pas couvertes par la loi et ne peuvent donc être appliquées en Belgique.
Enfin, J'une des dernières contraintes légales qu'il est encore important de citer est la limitation de détention de droits d'associés et de participations qu'une banque peut détenir. Un arrêté royal prévoit à cet effet que «chaque poste n'excède pas 15% des fonds propres de l'établissement de crédit et que le montant total n'excède pas 45% des fonds propres de l'établissement». Etant donné que J'activité principale d'une banque islamique est J'investissement des fonds déposés selon, entre autres, un contrat de Mudaraba qui peut prendre la forme de participation dans le capital d'une société pour le compte propre de la banque, il est évident que ces normes seront inévitablement dépassées.
En Allemagne, la seule initiative connue jusqu'à nos jours est celle qui a été entreprise par l'IFH située au Luxembourg.
Mis à part ce projet, l'Allemagne reste surtout le siège d'une certaine réflexion sur le système. Plusieurs personnalités ont révélé un véritable intérêt à J'égard du système bancaire islamique, bien que cet intérêt se soit jusqu'ici résumé au potentiel du système d'un point de vue global, plutôt qu'à une application spécifique à J'Allemagne
Un autre argument qui est souvent cité pour justifier J'absence de banques islamiques en Europe Continentale est le poids relatif de la communauté musulmane dans la partie la moins favorisée de la population. Cet argument reviendrait pourtant à dire que « ... le système bancaire islamique ne serait réservé qu'aux riches et aux hommes d'affaires musulmans, ce qui est .évidemment en contradiction avec les principes énoncés par le Coran.

1.2.2. Grande-Bretagne 

La Grande-Bretagne est le seul pays d'Europe176 qui, jusqu'ici, a autorisé l'établissement d'une banque islamique sur son territoire. Malgré que J'expérience ne dura que jusque 1993, J'établissement de la Al-Baraka International Bank Lirnited (AlBL), filiale du groupe Al-Baraka, est considéré comme J'expérience pionnière du système bancaire islamique en Europe. La fermeture de la banque en 1993 est essentiellement due à son incapacité à répondre aux exigences de la Banque Centrale d'Angleterre. Dans une lettre adressée à J'Association des Banquiers Arabes en mars 1994, Eddie George, gouverneur de la Banque d'Angleterre à cette époque.
L'interruption de J'activité de l'AlBL en Grande-Bretagne laissa un vide qui ne fut comble qu'en 1997, lorsque l'United Bank of Kuwait (UBK) basée à Londres proposa un nouveau plan de financement immobilier sans intérêt. L'Islamic Investment Banking
Unit (lBU), comme est appelé ce projet, propose principalement des contrats de Murabaha et de Ijam pour permettre le financement de l'achat de biens immobiliers aux musulmans britanniques qui ne désirent pas contracter un emprunt à intérêt. Il est important de noter que l'UBK avait déjà lancé le même type de service en Irlande en 1994. L'IIBU Fund II PLC basé à Dublin permet l'investissement de fonds dans un assez large portefeuille d'équipement basé sur le principe de l'Ijara. D'autre part, l'UBK avait également déjà proposé le Healthcare Fund en décembre 1996, né de l'association de l'UBK et de la Kuwait Finance House, offrant la possibilité d'un financement immobilier par Ijara.
D'autres tentatives ont été entreprises entre-temps, mais sans grand succès. Ce fut le cas, par exemple, pour l'El Medina Islamic Equity Fund lancé en 1994, qui sélectionnait une centaine de sociétés dans un panier de 500, dans lesquelles les investisseurs musulmans pouvaient investir. Ce fonds n'eut pas le succès attendu, à cause d'un manque de crédibilité et de la carence d'un plan de marketing adéquat, étant donné la nouveauté du produit.
En dépit du peu de réussite engendré par la tentative d'implantation d'une institution islamique en Angleterre, Londres reste sans conteste la première place financière islamique et également la plaque tournante des réflexions et des discussions sur ce sujet et le lieu d'édition des différents ouvrages publiés en anglais dans le domaine. Par conséquent, la Grande-Bretagne est le pays d'Europe le plus avancé et le plus ouvert à une réelle implantation du système financier islamique. Ceci sera illustré lorsque nous aborderons les différentes coopérations qui existent entre les deux systèmes. Nous verrons, en effet, comment plusieurs banques britanniques se sont lancées dans l'offre de produits financiers islamiques. 

1.2.3. Etats-Unis 

Avec plus de 6 millions de musulmans de toute origine, les Etats-Unis dispose d'un réel marché pour le développement de services financiers en accord avec la loi islamique. En outre, contrairement à la situation des immigrés musulmans vivant en Europe, la communauté musulmane américaine n'est pas confinée dans ce qu'on pourrait appeler la classe précaire de la population
En réponse à cette constatation, plusieurs initiatives ont été lancées sur le sol américain. Parmi celles-ci, on peut citer la LARIBA Bank de l'American Finance House, qui est autorisée à opérer dans plus de 13 Etats américains. Actuellement, la LARIBA Bank propose une diversité de services de financement parmi lesquels le Lease-to-Purchase pour les biens immobiliers, les voitures et les équipements médicaux. Elle offre également diverses opportunités de financement et d'investissement aux petites et moyennes entreprises.
Une autre institution qui s'est également largement développée est l'Amana Mutual Fund basée à Washington. Ce fonds permet à des investisseurs de placer leur argent dans un portefeuille diversifié d'actions de compagnies dont l'activité est en accord avec les principes de la Chari'a.
La liste des institutions offrant de pareils services est encore longue. Un dernier exemple pourrait être l'initiative lancée par Omar Clark Fisher, consultant chez OPIC converti à l'Islam en 1980. Il lança en 1992 la Première Société de Leasing Islamique, qui, après trois ans d'existence, atteignit un portefeuille d'investissement de plus de 6 millions d'USD.

2. Etat actuel du système financier islamique
2.1. Taille du marché 

La taille actuelle du marché financier musulman est assez difficile à mesurer. Le nombre d'institutions bancaires totalement islamiques était estimé à plus ou moins 200 unités en 1999 par le magazine spécialisé Private Banker, alors que le Président de l'Abu Dhabi Islamic Bank, Al Nassiri parlait déjà d'une augmentation de 34 en 1983 à 194 banques islamiques en 1997
D'après le Miraj International Investîmes, un fonds d'investissement islamique basé au Canada, les institutions financières islamiques disposent à l'heure actuelle d'investissements totalisant 140 milliards de dollars dans plus de 40 pays, un chiffre qui croît à un rythme annuel allant de 15% à 20%195, alors que Ibrahim Warde évalue le total des actifs des banques islamiques à plus de 230 milliards de dollars dans plus de 75 pays 196.
Le dernier recensement officiel des institutions bancaires islamiques a été effectué en 1996 par l'Association Internationale des Banques Islamiques. Malgré que les chiffres de cette enquête ont inévitablement augmenté en six années de temps, les graphiques et tableaux qui en ressortent permettent d'obtenir une idée relativement claire da la taille et de la structure actuelles du marché.
Le nombre de banques islamiques était alors estimé à environ 90, hormis les banques du Pakistan, de l'Iran et du Soudan où la totalité du système bancaire a été islamisée. En 1996, la valeur totale de l'actif qui était géré par ces banques s'élevait à 28 milliards d'USD alors qu'elle est évaluée en 1998 à plus ou moins 50 milliards d'USD.
Les différents tableaux présentés ci-dessous sont directement repris des différentes enquêtes menées en 1996 par J'Association des Banques Islamiques basée à Jeddah en Arabie Saoudite. 

2.2. Analyse des performances du marché
2.2.1. Répartition par région 

Le tableau suivant nous donne la répartition des banques islamiques à travers le monde: 

Tableau 1: Institutions Financières Islamiques par Région

Région
Nombre d'institutions
Pourcentage

Asie du Sud et du Sud-Est
36
42,4

Pays du Golfe
19
22,4

Autres Pays du Moyen-Orient*
13
15,3

Afrique
9
10,6

Europe et Amérique
8
9,4

Total
85
100


* Cette catégorie inclut la Turquie.
Ces chiffres montrent que le plus grand nombre d'institutions financières islamiques se trouvent en Asie, suivi par les pays du Golfe et les autres pays du Moyen-Orient. Bien que ces chiffres nous offrent une première idée sur l'étendue et la répartition du marché financier islamique par région, ils ne nous permettent pas d'évaluer le poids de différentes régions sur le marché. Une répartition de la valeur des actifs gérés par région résout ce problème. 

Tableau 2: Valeur des fonds gérés par Région

Région
Fonds gérés
(en millions de USD)
Pourcentage

Asie du Sud et du Sud-Est
2250,7
8,2

Pays du Golfe
17834,5
64,7

Autres Pays du Moyen-Orient
5430,1
19,7

Afrique
334,5
1,2

Europe et Amérique
1 723
6,2

Total
27573
100


Grâce à ce dernier tableau, il est facile de voir qu'une très grande partie de l'activité bancaire islamique est gérée au Moyen-Orient, dans les Pays du Golfe. Cette région compte, en effet, plus de 84% des totalités fonds qui sont gérés par les institutions bancaires et financières islamiques. 

2.2.2. Répartition par taille 

La taille est une variable importante pour pouvoir déterminer l'efficacité d'une banque. 

Tableau 3: Institutions Financières Islamiques par taille de l'actif

Actifs (en millions d'USD)
Distribution fréquentielle

0-50
39

51-100
13

101-200
4

201-300
3

301-400
8

401-500
1

500-1000
3

> 1000
7

Total
78


D'après les données de ce tableau, nous pouvons constater que la majorité des banques islamiques se trouvent en dessous du seuil d'efficacité fixé à 500 millions d'USD. Seules 10 banques sur les 80 dont les données sont disponibles publiquement atteignent ce seuil. La petite taille adoptée par la majorité des banques islamiques est souvent justifiée comme une manière de minimise!": le risque à travers une diversification de leur portefeuille d'actifs.
 
Tableau 4: Institutions financières islamiques par taille du capital

Capital (en millions d'USD)
Distribution fréquentielle

0-25
55

26-50
10

51-75
5

76-100
2

101-150
2

151-200
2

201-300
2

Total
78


Ce tableau nous permet de constater que seulement 8 institutions ont atteint ce niveau d'optimalité.
Des résultats qui sont dégagés de ces différents tableaux, on peut conclure que seul un nombre restreint d'institutions financières islamiques a atteint les différents niveaux d'optimalité. Ces résultats peu encourageants sont, de manière générale, à imputer au très jeune âge de la plupart de ces institutions. Au demeurant, il est de notoriété publique qu'un haut niveau de capital facilite l'appel à de nouveaux fonds puisqu'il reflète l'intérêt que portent des actionnaires à la société. 

2.2.3. Analyse du financement par mode 

A présent, il est intéressant de voir quels sont les modes de financement qui sont le plus usités par un échantillon de 10 banques islamiques. Les banques reprises dans cet échantillon par l'Association des Banques Islamiques ont été sélectionnées selon deux critères: premièrement, selon une taille minimum pour que les données puissent être statistiquement significatives; deuxièmement, selon la disponibilité des informations requises. Les dix banques reprises dans l'échantillon représentent ensemble environ 50% de l'actif total agrégé des banques islamiques en 1996; ce qui assure une certaine représentativité à l'échantillon.
La banque islamique se procure ses ressources en utilisant un contrat de Mudaraba et va les utiliser par le biais des différents modes de financement qui ont également été étudiés dans le chapitre précédent.
Ce graphique reprend l'utilisation des divers modes de financement par les moyennes des différentes banques. Cela indique la proportion de chaque mode de financement dans l'activité de la banque. On constate que la Murabaha représente plus de 70% et l'Ijara 5%. Donc, les instruments financiers basés sur la dette représentent plus de 75%, alors que les instruments basés sur le partage du profit représentent moins de 14% du total. 

2.2.4. Analyse du financement par secteur 

Ici encore, pour pouvoir examiner quelle était la position du financement par secteur en 1996, un échantillon d'une dizaine de banques a été sélectionné. 

Graphique1: La position du financement par secteur

De ce graphique, il paraît évident que la majorité des banques investissent leurs fonds dans des activités commerciales avec 42% du total investi. Le second secteur dans lequel les banques investissent le plus est celui de l'immobilier, avec 13%. Le secteur industriel suit de très près avec 12% et l'agriculture arrive en dernier lieu avec à peine 2,4%.
Les résultats obtenus ici sont à imputer à ceux obtenus lors de la répartition des ressources par modes de financement. La Murabaha est, en effet, à l'origine un mode de financement commercial. Ces résultats peuvent également être expliqués par la répartition géographique des banques. La majorité des fonds gérés se situent dans la région du Golfe où l'agriculture est très peu développée.
Après avoir étudié les différents résultats du secteur bancaire islamique en 1996, il nous est maintenant possible de ·les exploiter pour pouvoir envisager les différents problèmes et opportunités auxquels est confronté le système. 

3. Problèmes rencontrés par le système financier musulman
3.1. Problèmes d'ordre opérationnel
3.1.1. Carence en instruments basés sur le principe des 3P 

A la lumière des données étudiées ci-dessus, un premier problème qui se pose aux banques islamiques est l'impopularité des instruments basés sur le partage du profit. L'ensemble des techniques financières se scinde, en effet, en deux parties: celles qui sont basées sur un revenu fixe du capital et celles basées sur le partage des pertes et des profits (Mudaraba et Musharakah). Alors que les premiers économistes musulmans préconisaient la Musharaka et la Mudaraba comme les principales méthodes de financement, elles ne représentent actuellement que 10 à 15% de l'activité bancaire.
Pourtant, les théoriciens de la finance islamique ont bâti leurs espoirs sur de tels instruments et comparé leurs effets sur l'économie à ceux produits par l'investissement directe. Ils ont également développé toute une série d'arguments et de théories qui démontrent la supériorité du partage des profits sur l'octroi d'un revenu fixe20I. L'utilisation de ce type de transaction a été conseillée comme méthode de financement uniquement lorsque le partage des risques et des profits n'est pas applicable. Si ce n'est pas le cas, les juristes et économistes musulmans désapprouvent leur application, les banques préservant de cette manière le statique avec le système conventionnel, par l'insistance sur la solvabilité du client et le maintien de la relation créditeur/débiteur.
Plusieurs approches doivent être adoptées pour comprendre les causes de cette impopularité. Partant de la perspective bancaire, le principal obstacle à leur développement semble se résumer aux risques et aux coûts transactionnels que ceux-ci engendrent.
Il existe, en effet, une différence fondamentale entre la banque conventionnelle et la banque islamique. La sélection d'un projet nécessite des études de faisabilité et plusieurs évaluations techniques et financières, évaluations qui requièrent des analystes expérimentés. Les coûts afférents à ces transactions sont, par ailleurs, dans la majorité des cas bien plus élevés que ceux liés à l'autre type de fmancement204 La conclusion d'un contrat de Mudaraba nécessite, en outre, un suivi et un contrôle perpétuel de l'activité du Mudarib, pour ainsi détecter toute erreur de sa part, erreur qui pourrait être à l'origine d'une éventuelle perte.
La banque préfère également les contrats de Murabaha ou d'Ijara aux contrats basés sur le partage des profits pour la perspective à court terme qu'ils offrent. Les banques favorisent le court terme étant donné qu'elles travaillent généralement sur des petites réserves; elles doivent donc pouvoir disposer rapidement de liquidités si le besoin s'en fait ressentir.
Partant de la perspective du client, les contrats de Musharaka et de Mudaraba sont également peu sollicités. L'investissement dans un projet est souvent un investissement à long terme, et une première phase de croissance est requise avant de pouvoir entrevoir les premiers bénéfices significatifs. Cette optique à long terme implique également plus de risque, ce qui n'est généralement pas un argument en faveur de ces contrats.
Par conséquent, il n'est pas surprenant que le financement par Murabaha et par Ijara représente plus de 75% de l'activité globale de financement des banques islamiques. Ce type de contrat, en plus d'être basé sur le court terme, offre un haut niveau de liquidité et peu de risque aux investisseurs. Ces avantages ont donc largement contribué à la forte popularité de ces techniques, mais cette utilisation abusive pose actuellement certains problèmes sur la scène financière islamique: le risque de défaut de paiement des clients et la difficulté de négociabilité de ces actifs.
Le danger engendré par l'insolvabilité du client est illustré de la manière suivante: même s'il est permis d'imposer un prix plus élevé pour la vente à crédit comparé à la vente au comptant, une fois le contrat conclu, une dette fixe naît du côté de l'acheteur. Si celui-ci n'acquitte pas sa dette, les banques ne peuvent pas le pénaliser financièrement, cela étant assimilé à du Ribâ.
Il faut néanmoins rester vigilant lorsque la question de la pénalisation du client est abordée. Les juristes musulmans s'accordent sur la légalité d'une sanction financière, mais la banque ne peut retirer aucun bénéfice de celle-ci. La question de savoir si la banque utilise cette astreinte pour réparer le dommage qu'elle a subi reste aujourd'hui une question non résolue.
L'autre problème engendré par l'utilisation excessive de ces contrats basés sur la dette est leur difficulté à transformer ces modes financiers en instruments financiers négociables205. Une fois qu'une dette a été créée, elle ne peut, en effet, être transmise à une tierce personne, si ce n'est dans sa propre valeur. Vu le poids important de ces instruments sur le marché financier islamique, celui-ci devient très peu négociable, et représente par conséquent l'un des obstacles les plus importants à la mise sur pied d'un marché islamique secondaire. 

3.1.2. . Concurrence et diversification des produits 

Les taux de croissance spectaculaires le prouvent, les banques islamiques ont connu un succès considérable dans la mobilisation de fonds dans le passé. Cependant, les circonstances actuelles ne sont plus celles des années 70, et de nouveaux éléments menacent leur prospérité. Les taux de croissance continuent à évoluer mais de manière décroissante et de nouveaux efforts sont requis pour tenter de stabiliser ces taux.
Un premier élément qui remet en question le futur des banques islamiques est que celles-ci, après de nombreuses armées de .monopole» dans leur domaine, doivent affronter aujourd'hui l'intérêt grandissant que portent les banques conventionnelles sur leur marché. Bien qu'il est difficile d'établir une liste complète des institutions qui pratiquent le système bancaire islamique parmi leurs nombreuses activités, il n'en reste pas moins que celles qui l'appliquent de notoriété publique sont des géants de la scène bancaire internationale. Leur concurrence introduit graduellement de nouvelles réalités auxquelles les banques islamiques ne sont pas préparées.
Au demeurant, la concurrence semble, à première vue, ne pas être un élément totalement négatif. Elle est généralement supposée être un facteur de croissance, en promouvant l'innovation, la réduction des coûts et l'amélioration de la qualité des produits et services offerts aux consommateurs. Elle n'est pas recommandée dans un seul cas: lorsque les firmes se trouvent encore dans leur stade de développement, stade durant lequel elles doivent au contraire être protégées de la concurrence jusqu'à ce qu'elles atteignent l'expérience et les qualités nécessaires pour que ce phénomène ne leur 'soit plus défavorable. Les banques islamiques émergent à peine de cette période qu'elles doivent déjà affronter l'expérience et le savoir-faire des banques conventionnelles dans des domaines comme les techniques d'innovation, la stratégie marketing, la diversification de portefeuilles, ...
Ainsi, la concurrence de grandes banques multinationales menace l'avenir des banques islamiques. Les banques islamiques se doivent donc de réagir rapidement et d'investir dans une diversification accrue des produits qu'elles offrent pour pouvoir répondre aux besoins croissants de leurs clients, eu égard à leurs exigences en matière de revenu, de délai et de risque. Jusqu'ici, les outils utilisés restent confinés dans des modes de financement classiques qui ont été développés il y a des siècles et qui répondaient aux exigences de cette époque. Malgré que ces outils gardent toute leur efficacité aujourd'hui, les circonstances et l'environnement obligent les banques islamiques à redoubler d'efforts et d'investissements dans le domaine de l'innovation.
Cette innovation est d'autant plus nécessaire que c'est le manque de diversification dans les produits proposés qui a mené la banque islamique à agir comme un intermédiaire plutôt que comme un véritable investisseur. Les investissements en recherche et développement sont, par conséquent, indispensables.
Cette idée pourrait paraître évidente, mais elle n'en est pas moins extrêmement difficile à appliquer, étant donné le filtre religieux par lequel tout nouveau produit doit passer. Une condition sine qua non pour que celui-ci soit attractif auprès des principaux clients de la banque, les musulmans, est son adéquation aux règles du droit islamique. Cependant, plusieurs techniques sont à la disposition des juristes musulmans, comme le qiyas, la maslaha ou encore l'istihsan . Ce fut le cas, par exemple, pour la procédure d'approbation du contrat de Salam. Rappelons qu'au départ, la vente d'un objet qui n'est pas en possession du vendeur est interdite. Cependant, dans le cas du contrat de Salam, le Prophète (sbsl) a autorisé une telle transaction pour les besoins des gens de son époque, pour autant que la protection des intérêts des deux parties soit assurée .
Ici aussi, de nouveaux besoins sont apparus et la nécessité de l'innovation se fait nettement ressentir. Les marchés financiers conventionnels débordent de nouveaux produits tels que les options, les plans de pension, les cartes de crédit, ... Les institutions islamiques ne peuvent donc se permettre de rester à l'arrière-plan de la scène. C'est ainsi que de nombreux contrats classiques ont été améliorés, voire modifiés, pour répondre aux besoins contemporains. On peut citer comme exemple le modèle même de la structure bancaire islamique, la Mudaraba two-tiers. Ce modèle est basé sur une adaptation du principe de Mudarib udarib:qui donne le droit au Mudarib (la banque) de devenir elle-même Rabb al mâl vis-à-vis de ses clients. Ce principe est également usité pour l'application des sous-contrats pour d'autres techniques financières. Le processus d'innovation est donc en cours mais requiert d'importants investissements en Recherche et Développement. En vue d'optimiser leurs investissements dans ce domaine, les banques ont décidé de centraliser leurs efforts par la création, en 1992, du Bureau de Coordination et de Recherche Académique, qui est situé dans le Centre Saleh Kamel pour l'Economie Islamique, à l'Université Al Azhar au Caire, en Egypte.

3.1.3. Diversité des conseils de la Chari'a 

L'une des plus grandes difficultés que rencontrent les Conseils de la Chari'a dans leur fonction est la diversité des opinions des savants musulmans. Bien qu'ils soient unanimes sur les principes fondamentaux, il existe souvent plus d'une interprétation pour un seul sujet. Le gouvernement malais a tenté de faire face à ce problème au début du développement de son industrie bancaire islamique. Sa Banque Centrale, la Banque Negara, dispose de son propre conseil religieux qui détermine les règles applicables pour l'ensemble des banques islamiques actives sur son territoire.
Une tentative de centralisation des conseils de la Chari'a a été amorcée par les différentes initiatives de séminaires internationaux réunissant des juristes et des experts financiers musulmans, séminaires dont le plus célèbre est le OIC Fiqh Academy tenu régulièrement à Jeddah, en Arabie Saoudite.
La situation est cependant loin d'être idéale. Les discussions entre juristes et financiers sont souvent vides de sens, ceux-ci utilisant des termes techniques qui varient non seulement d'une discipline à l'autre, mais également d'un pays ou d'un courant de pensée à l'autre. Le véritable problème qui se pose dès lors est « ... la carence en savants qui maîtrisent tant les enseignements coraniques qu'économiques et financiers. Dans une interview donnée à l'auteur, Muazzam Ali de la IIBI à Londres estimait qu'il n); avait pas plus de 20 savants à travers le monde qui répondent à ces conditions210)).
Ce problème de concordance des avis émis mène souvent à des opinions contradictoires et à des conflits d'intérêts. De plus, la diversité des conseils de la Chari'a ralentit considérablement le développement du système financier islamique, sans lesquels il ne peut cependant pas fonctionner. 

3.2. Problèmes d'ordre institutionnel 

Chaque système possède ses exigences institutionnelles, et le système financier islamique n'est pas une exception. Comme tout système, il nécessite également la présence d'instances de contrôle et d'assistance qui lui permettent d'opérer dans l'environnement le plus favorable qui soit.
Jusqu'ici, les institutions financières islamiques à travers le monde ont toujours essayé de bénéficier de la structure institutionnelle déjà établie pour le système conventionnel. Cependant, elles ne peuvent se contenter d'une structure reposant sur des principes différents et souvent contradictoires à son fonctionnement. La nécessité de l'établissement d'institutions orientées plus spécifiquement vers leurs besoins et leur nature se fait donc vivement ressentir. 

3.2.1. Nécessité d'instances de régulation et de contrôle 

Le manque d'instances de contrôle dans le paysage financier musulman est l'un des problèmes les plus urgents à résoudre, étant donné les carences qu'engendre ce manque. En effet, trois raisons expliquent cette urgence: la difficulté d'acquisition d'informations disponibles pour les investisseurs et le manque de transparence, le manque d'assurance quant à la faisabilité et au futur du système financier, et l'amélioration des politiques monétaires.
L'information est un élément essentiel pour assurer la continuité d'un système financier, et dire que la transparence est une qualité du marché bancaire islamique serait un leurre. Il n'est pas rare, par exemple, que le procédé exact de calcul des pans de profits sur les différents dépôts soit gardé confidentiel. De la même manière, les détails quant à l'utilisation des fonds par les banques ne sont que rarement rendus publics. Cette attitude de la part de la majorité des banques islamiques enraye la fiabilité de leur activité. Une transparence plus accrue est donc requise et celle-ci pourrait être exigée par une instance de contrôle, qui obligerait les banques à révéler les informations cruciales aux investisseurs potentiels et ainsi augmenter l'efficacité des marchés financiers.
L'industrie bancaire conventionnelle est l'un des secteurs les plus contrôlés et les plus régulés. Bien qu'une instance comme la Banque Centrale est présente dans tous les pays où il existe des institutions islamiques, la structure et le fonctionnement de celle-ci sont trop souvent calqués sur celle du système conventionnel.
Ces dernières années, des efforts ont été entrepris dans certains pays; ainsi, en Egypte et en Jordanie, un Acte Bancaire Islamique a été édité, prévoyant des règles spécifiques aux institutions financières islamiques et les relations de celles-ci avec la Banque Centrale. D'autres pays comme la Malaisie ont édicté des règles, pour les opérations des banques islamiques parallèlement à celles déjà présentes pour les banques conventionnelles.
Cependant, aucune de ces initiatives ne prévoit un système d'assistance conforme aux règles de la Chari'a. Ainsi, les dépôts des banques auprès de la Banque Centrale restent rémunérés par une charge d'intérêt, et il en est de même pour les prêts octroyés. Plusieurs solutions ont déjà été avancées, mais rares sont leurs applications. Ainsi, Chapra212 propose un dépôt commun par les banques islamiques sous le contrôle des Banques Centrales pour fournir une aide à une autre en cas de problème de liquidité, et ce sur une base coopérative.
Enfin, une dernière institution qui devra être mise sur pied prochainement est un Conseil de la Chari'a commun à toutes les banques et qui fournirait des règles standardisées et communes à chacune. 

3.2.2. Nécessité d'un marché secondaire 

Un système financier requiert qu'une bonne partie de ses activités soit basée sur du long terme. Dans le système conventionnel, ces activités sont assumées par l'émission de titres comme les obligations à long terme et les actions. Cette fonction est assurée par les marchés de titres et les institutions spécialisées. En plus du public, les plus importantes sources de ces investissements à long terme sont les banques d'investissement, les fonds communs, les compagnies d'assurance et les fonds de 'pension.
Dans le système islamique, une émission d'obligations à long terme n'est pas possible puisqu'elle repose sur l'intérêt. Le besoin en marché des actions est, par conséquent, bien plus élevé. De plus, un manque latent de standardisation des produits empêche les banques islamiques de se développer. Cette standardisation permettrait aux banques de coopérer, tout comme les méthodes basées sur l'intérêt ont été uniformisées. Cette uniformisation favoriserait la syndication de beaucoup de transactions bancaires et la capacité de pouvoir titriser ces produits endiguerait le manque de négociabilité de ces produits, permettrait la croissance d'un marché secondaire spécifique et encouragerait les investissements à long terme. 
Malheureusement, dans la plupart des pays musulmans, le marché des actions n'est pas vraiment développé. Parallèlement, le nombre d'institutions spécialisées est relativement négligeable. Des fonds communs et des fonds Mudaraba sont apparus mais leur nombre reste assez restreint et l'information sur leur performance presque inexistante. De la même manière, le nombre de compagnies d'assurance islamiques peut tenir sur les doigts d'une main.
Ce retard pose plusieurs problèmes au système musulman: d'une part, il l'empêche d'assurer son avenir et sa longévité à cause du déséquilibre flagrant qui existe entre le court terme et le long terme. D'autre part, il augmente le décalage déjà existant avec le marché conventionnel où le nombre et les performances des institutions spécialisées sont relativement croissants 

3.2.3. Absence d'uniformisation comptable 

Alors que les banques conventionnelles disposent de règles comptables internationales qui leur sont communes et que leur Banque Centrale publie les comptes annuels consolidés des banques après supervision, le système financier islamique dispose d'une diversité de pratiques comptables, pratiques qui varient d'une institution à l'autre, entravant ainsi toute tentative de comparaison entre les documents comptables. De plus, les concepts utilisés pour l'élaboration du bilan et du compte de résultat ne sont que rarement définis d'une manière rigoureuse.
Cependant, ces dernières armées, plusieurs initiatives ont été prises pour neutraliser ce problème et pour tenter une standardisation des pratiques comptables. Etant donné l'ampleur et la nouveauté de cette initiative, un simple paragraphe ne nous permettrait de l'aborder d'une manière adéquate

jeudi 15 septembre 2016


LES FONDEMENTS DE LA FINANCE ISLAMIQUE



Si la finance dite « conventionnelle » se propose de mettre en relation les agents économiques dégageant une capacité de financement et ceux qui, à l'inverse, présentent un besoin de financement dans l'optique d'une allocation efficiente des ressources financières ; la finance islamique, quant à elle, admet une définition toute autre de l'efficience, incluant notamment des critères moraux inhérents à l'éthique musulmane.
En outre, la finance ne saurait être considérée comme une discipline indépendante. La présenter comme une partie intégrante d'une discipline plus vaste - les sciences économiques - paraît en effet plus juste. Aborder quelques éléments de compréhension quant à certains axiomes économiques fondateurs de la Finance Islamique semble, de fait, incontournable.
A l'instar de l'économie libérale, essentiellement positiviste et donc totalement neutre vis-à-vis de toute position éthique ou morale, l'économie islamique, basée sur un système de normes et de valeurs, se veut normative.

1. la loi islamique ou « Sharia »
1.1. Les sources de la « Sharia »

En économie comme dans tout autre domaine de la vie du musulman, la sharia fait figure de référence juridique et indique ainsi la ligne de conduite. Les quatre principales sources de la sharia sont, par ordre d'importance1(*), les suivantes :
· Le Saint Coran (paroles de Dieu) : Il constitue la première source en termes de loi. Tout élément tiré d'autres sources juridiques (ci-dessous) doit impérativement être en totale conformité avec le Coran.
· La Sounna du Prophète Mohammed (SAWS) : Ce terme englobe l'ensemble des enseignements transmis par le Prophète (SAWS) via ses paroles, ses actes, et son approbation tacite.
· L'Ijmaa : Dans sa dimension technique, ijmaa signifie le consensus des juristes musulmans sur un point de droit. En pratique, l'ijmaa fait office de preuve si aucun élément du Coran ou de la Sounnah ne permet de trancher sur un cas.
· Le Qiyass : Le Qiyass, ou « Analogie Authentifiée », consiste à affecter, sur la base d'une caractéristique sous-jacente commune, la règle juridique d'un cas existant trouvée dans les textes du Coran, de la Sounnah et/ou de l'Ijmaa à un nouveau cas dont la règle juridique n'a pas pu être clairement identifiée.

1.2. Objectifs de la Chari'a et leur impact sur l'économie islmaique

Ces objectifs sont simples à comprendre et sont basés sur quelques axiomes fondamentaux, qui sont tous liés les uns aux autres. Le premier, et de loin le plus important, est le Tawhid ou principe d'Unicité de Dieu. Cette notion fondamentale en Islam implique que c'est Dieu qui créé l'homme, qui lui a insufflé sur esprit et la doté de ses pouvoirs physiques, sensoriels et intellectuels. C'est lui a créé l'Univers, l'a empli de phénomènes, de créatures et de choses, et a pourvu ceux-ci de lois qui régissent leur existence. Il leur a donné la puissance et l'énergie et les a tous soumis à l'homme, son khalifa ou vice-régent sur terre
Nous n'avons pas créé le ciel et la terre et ce qui existe entre eux en vatin. C'est ce que pensent ceux-qui ont mécru. Malheur à ceux qui ont mécru pour le feu ( qui les attend) 2(*)
On aboutit alors au deuxième axiome, celui du rôle essentiel que joue l'être humain sur terre. En tant que gérant en son nom, Dieu (SWT) a ordonné à celui-ci d'étudier les phénomènes, de découvrir et de propager les lois, pour qu'il puisse remplir sa mission sur terre et améliorer sa vie dans ce monde, de façon à la rendre compatible avec son statut d'être humain, dans tout ce qu'elle comporte comme relation, avec lio-même, avec Dieu, avec le monde et avec les autres.
Le terme khalifa utilisé dans ce contexte ne concerne donc pas un individu en particulier, mais bien l'humanité toute entière. Par conséquent, de cette notion de gérance découle celle d'unité fondamentale et de fraternité de l'humanité, accompagnée du concept tout aussi important de `adala, ( c'est-à-dire de jusitice ). L'instauration de la justice et son respect consituent les objectifs premiers de la loi et Dieu les a placés au même degré que la pièté.

2. Principes d'Economie Islamique
2.1. Présentation général : 

L'économie islamique peut être définie comme cette branche de connaissances qui contribue à la réalisation du bien être humain en permettant une affectation et une répartition de ressources limitées, conformes aux enseignements islamiques sans trop limiter la liberté individuelle ou créer des déséquilibres macroéconomiques et écologiques continus. On peut définir l'Economie islamique aussi comme est une partie de la Doctrine islamique qui englobe tous les secteurs de la vie. Elle ne s'attribue pas un caractère scientifique, comme le fait le marxisme, mais elle n'est pas, non plus, dépourvue d'un fondement doctrinal ni d'une vision englobant les principes de la vie et de l'univers, comme c'est le cas du capitalisme
Elle est fondée sur un paradigme dont l'objectif premier est la justice socio- économique (Coran 57 :25). Cet objectif prend racine dans la croyance selon laquelle les êtres humains sont les lieutenants du Dieu Unique, créateur de l'univers et de tout ce qu'il comporte. Toutes les ressources à leur disposition leur ont été « confiées » par Dieu en vue de leur utilisation juste, pour le bien être de tous. Ils sont ainsi responsables devant Lui dans l'au- delà et seront récompensés (ou punis) pour la manière dont ils acquièrent et utilisent ces ressources.
A l'instar de la doctrine du marché, le bien-être humain ne dépend pas essentiellement, en Economie Islamique, de la maximisation de la richesse et de la consommation. Il exige une satisfaction équilibrée des besoins tant matériels que spirituels. Négliger les besoins spirituels ou les besoins matériels empêcherait la réalisation du vrai bien-être et aggraverait les symptômes de l'anomie tels que la frustration, le crime, l'alcoolisme, la toxicomanie, le divorce, les maladies mentales ou le suicide, qui révèlent tous un manque de satisfaction intérieure dans la vie des individus.
Selon ce paradigme, plus n'est pas nécessairement mieux que moins dans toutes les circonstances comme l'affirme l'économie conventionnelle. En d'autres termes, l'utilité marginale n'est pas supposée strictement positive. Cela dépend beaucoup de la manière dont a été acquise la richesse supplémentaire, de l'utilisateur de cette richesse et de la façon dont il l'utilise ainsi que de l'impact sociétal et écologique de cet accroissement. Ainsi, plus peut être mieux que moins à la condition que l'augmentation peut être réalisée sans affecter la force morale de la société, sans aggraver l'anomie, et sans nuire à l'équilibre écologique.
Dans le cadre de ce paradigme, le comportement idéal n'est pas synonyme d'abnégation ; il signifie simplement la poursuite de l'intérêt personnel dans le cadre de la contrainte de l'intérêt social via la soumission des prétentions aux rares ressources au filtre des valeurs morales transmises par le prophète Mohammed (SAWS). L'Economie Islamique suppute en effet que tout comportement individuel orienté vers la moralité contribue à la réalisation de la justice socio-économique et du bien-être social, tout comme le paradigme du système de marché présume que le comportement intéressé servirait l'intérêt social.
Cependant, alors que l'économie traditionnelle suppose la prédominance du comportement intéressé chez tous les individus, l'Islam ne suppose pas la prédominance du comportement idéal. Il adopte plutôt la position réaliste selon laquelle certains individus agissent normalement d'une manière purement idéale ou purement intéressé, tandis que le comportement de la plupart des gens tend à se situer quelque part entre ces deux extrêmes. Toutefois, étant donné que le comportement idéal est plus favorable à la réalisation des buts normatifs, l'Islam essaie d'amener le comportement individuel aussi près que possible de l'idéal. Cela, il ne le fait pas par la coercition et la discipline excessive mais essaie plutôt de créer un environnement favorable à travers une structure sociale fondée sur les valeurs morales.

2.2. Les trois piliers de la doctrine économique islamique

La structure générale de l'Economie islamique se compose de trois piliers qui en déterminent le contenu doctrinal et la font se distinguer de toutes les autres doctrines économiques dans leurs lignes générales. Ces piliers sont :
§ 1- Le principe de la double propriété.
§ 2- Le principe de la liberté économique dans un cadre limité.
§ 3- Le principe de la justice sociale. 

Le principe de la double propriété:

La Doctrine islamique ne s'accorde ni avec le capitalisme dans son affirmation que la propriété privée est le principe, ni avec le socialisme lorsqu'il considère la propriété socialiste comme principe général. Elle admet en même temps les différentes formes de la propriété lorsqu'elle adopte le principe de la double propriété (propriété à formes diverses) au lieu de celui de la forme unique de la propriété que font leur le capitalisme et le socialisme.
Le désir de gagner sa vie, de vivre confortablement, même d'avoir des ornements ou des décorations ou de se protéger d'un avenir incertain n'est jamais considéré comme un mal. Le Coran dit plutôt que ses préceptes sont les moyens de réussir dans ce domaine sans le troquer pour un échec dans l'au-delà. 

Le principe de la liberté économique dans un cadre limité :

Le second pilier de l'Economie islamique est le fait d'accorder aux individus une liberté économique, dans les limites des valeurs morales et éthiques auxquelles croit l'Islam. 

Le principe de la justice sociale :

Le troisième pilier de l'Economie islamique est le principe de la justice sociale, que l'Islam a incarnée en pourvoyant le système de distribution de la richesse dans la société islamique, en éléments et garanties assurant à la distribution la possibilité de réaliser la justice sociale, et mettant ledit système en harmonie avec les valeurs sur lesquelles il est fondé. 

2.3. Le système agraire

L'agriculture est la plus ancienne occupation de l'homme : c'est elle qui fournit l'indispensable nourriture, irremplaçable source de vie. Elle est donc spéciale à la compagne, car la vie bédouine à précéder la vie sédentaire des villes. C'est une occupation rurale, que les citadins ne pratiquent ou ne connaît pas, car la société bédouine a existée avant la société urbaine et les métiers des villes n'ont parue qu'après ceux des champs. Dieu est « le créateur et l'Omniscient »
En regard de la nature de la propriété commune de la terre, l'organisation agraire musulmane a été construite autour des concessions appelées Iqta. Un Iqta est un terrain à attribuer par le chef de communauté à un particulier ou à une collectivité toute en faisant partie du domaine de l'Etat.
Le système de l'Iqta variait selon le but poursuivi et suivant que la concession était temporaire ou héréditaire, ce système a évolué en traduisant trois formes d'Iqta :
· Iqta Tamlik : c'est la forme originale de l'Iqta. C'est une concession de terre relevant du domaine public est accordé en pleine propriété à des conquérants musulmans. Ces derniers se doivent exploiter cette terre tout en ayant l'obligation de régler une redevance appelée « achour » 
· Iqta Istighlal : cette forme de concession est apparue durant le règne des abbassides. Il consiste à donner uniquement un droit de jouissance au bénéficiaire.
· Iqta Wilaya : cette forme de concession est apparue vers le 11éme siècle. Il a été justifié pour motif politique. Il s'agit de grandes régions concédées à des chefs militaires ou à des gouverneurs en contrepartie de leur soutien militaire et politique 

2.4. Le commerce

Par le mot « commerce » (tijâra), on désigne la recherche du profit par l'augmentation du capital en achetant bon marché ce qu'on revend très cher. Les denrées peuvent être aussi bien des esclaves, du grain, des bestiaux, des armes ou des étoffes. La différence ainsi réalisée est le « bénéfice  »
Effet deux types de commerce existaient à savoir le commerce interne et le commerce externe
§ Le commerce externe intimement lié au développement urbain qu'a connu l'empire musulman, était caractérisé par son poids économique puisque les importations étaient principalement constituées des matières premières et des esclaves et les exportations des produits finis et semi finis.
§ Le commerce interne a joué un rôle moins important que le commerce externe. Il est resté à l'image d'économie familiale de subsistance qui dominait : seules quelques marchandises faisaient l'objet d'échange, relativement important entre les différentes régions de l'empire. Il s'agit des produits de luxe et certain produit de base tel que les céréales, le sucre, le papyrus.

2.5. Les rôles de la Monnaie en Economie Islamique

Comme nous l'avons vu précédemment, l'idée centrale qui définit le mieux l'Economie Islamique, et qui la distingue du paradigme séculier du marché, est la prise en compte d'une éthique et de valeurs morales basées sur la religion.
D'un point de vue théorique, il en découle certaines divergences entre l'Economie Islamique et le système conventionnel. Parmi les plus remarquables, l'identification des rôles de la monnaie dans l'économie.
On accorde usuellement à la monnaie, telle qu'elle a été largement pensée, trois rôles fondamentaux :
· Unité de mesure (ou de compte) : La monnaie est un étalon avec des valeurs en ce qu'elle sert à exprimer, et ainsi à comparer, la valeur ou le prix des biens et des services. Cette fonction est reconnue en Economie Islamique.
· Intermédiaire des échanges : En s'interposant dans l'échange de marchandises, la monnaie permet de remédier au problème du troc. Cette fonction est également reconnue.
· Réserve de valeur : La monnaie peut être conservée sous la forme d'un pouvoir d'achat. Cette fonction n'est pas reconnue en Economie Islamique.
Reconnaître à la monnaie la fonction de réserve de valeurs induit qu'on la considère comme un bien à part entière, pouvant être conservé et ayant une utilité intrinsèque. L'Economie Islamique ne reconnaît pas l'argent comme un bien à part entière et rejette donc toute idée d'intérêt, assimilé au prix de l'argent. Ce point est un élément central en Finance Islamique. La prohibition du Riba (ou intérêt) jette en effet les bases d'une spécificité du système financier islamique par rapport au système conventionnel dont l'édifice repose fondamentalement sur l'intérêt.

2.6. Focus sur l'interdiction du Riba
« Ce qu'on déteste avec le plus de raison, c'est la pratique du prêt à intérêt, parce que le gain qu'on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé sa création ... cette façon de gagner de l'argent est, de toutes, la plus contraire à la nature » 

Aristote
Il est admis par les jurisconsultes musulmans que le Riba prohibé en Islam ne se limite pas à l'usure mais qu'il inclut toute forme d'intérêt, quelques soient les caractéristiques du prêt en question (à la consommation / production ; taux élevé / faible ; échéance courte / longue ; etc.). La prohibition du Riba découle essentiellement de l'interdiction par la Sharia de fixer, à l'avance, un taux positif rémunérant l'écoulement du temps.
La Sharia proscrit en effet toute prime contractuelle sur le montant d'un prêt de biens fongibles (dont la monnaie). Elle interdit également le retrait par le prêteur d'un quelconque avantage de son prêt, sauf si cet avantage est librement accordé par l'emprunteur après remboursement du prêt et sans en constituer une condition tacite ou explicite.
La recherche des raisons de la prohibition de l'intérêt a donné lieu à certaines interprétations, dont on peut citer :
· L'intérêt est interdit parce qu'il constitue une rémunération contractuelle fixée à l'avance (taux fixe ou benchmarké).
· L'intérêt représente la rémunération du temps qui ne devrait pas faire l'objet d'échanges.
· L'intérêt est injuste parce qu'il correspond à une rémunération garantie du prêteur, alors que les risques sont totalement assurés par l'emprunteur.
· Sur le plan socio-économique, l'intérêt contribue à accroître les inégalités.

3. Principes de Finance Islamique
3.1. Présentation général : 

L'Islam ne s'oppose pas mais, au contraire, encourage le vrai profit comme le revenu d'un effort d'entreprise et d'un capital investi. Seules les légitimations de l'argent comme un capital et la justification de l'intérêt comme un avantage pour le simple fait de s'être abstenu de consommer sont rejetées. La majorité des transactions (la vente et l'achat) sont permises en Islam, les interdictions n'étant que des exceptions. C'est ainsi qu'on lit dans le verset 275 dans la deuxième sourate du Coran :
Ceux qui pratiquent l'intérêt usuraire ne se tiennent (au Jour du Jugement dernier) que comme se tient celui, que le toucher de Satan a bouleversé, cela parce qu'ils disent : «le commerce est tout à fait comme l'intérêt ». Alors que Dieu a permis le commerce et interdit l'intérêt.
Donc, « Dieu a permis le commerce » est la règle générale avec la vente usuraire comme une stricte exception. Le commerce est, en effet, fortement encouragé en Islam, incitation qu'on retrouve dans le Coran :
... mais qu'il y ait du négoce (légal), entre vous, par consentement mutuel ... 3(*)
... et dans les récits du Prophète (sbsl) :
« On demanda au Prophète (sbsl) : Quelles sont les meilleures façon pour un homme de générer du revenu ? » Il répondit : « Par son travail, et par toute vente légitime.» »
Cette première introduction est primordiale car elle permet d'établir le système financier islamique comme un système basé sur le partage du profit et sur la participation, et sur le commerce basé sur une entente mutuelle, sur l'honnêteté et la confiance entre les différents intervenants, plutôt que sur le seul rejet de l'intérêt.
Ceux qui récitent le Livre accomplissement la Salât (la prière), et dépensent, en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, espèrent ainsi faire un commerce qui ne périr jamais.4(*)
Dieu (SWT) incite en effet les musulmans tant à pratiquer leurs rites cultuels qu'à dépenser leurs biens pour leur subsistance. Ainsi, le commerce d'un homme honnête n'échouera en définitive jamais, car en plus de profiter des bénéfices, il aura droit à un revenu éternel auprès de son Seigneur (SWT)
Le prophète (sbsl) insiste de la même manière sur l'honnêteté dans les transactions commerciales et sur la récompense du commerçant intègre qui respecte ses engagements. « Le commerçants véridique et honnête se trouve avec le Prophète, les véridiques et les martyrs 5(*)».
Ainsi, tant le rejet de l'intérêt que la présence de l'honnêteté, de la confiance, de l'intégrité et de la sincérité dans la transaction sont des conditions qui la rendent admissibme d'un point de vue islamique 

3.2. Les « Cinq Piliers » de la Finance Islamique

La Finance islamique repose sur cinq principes fondamentaux, souvent qualifiés de piliers de l'islam financier. L'existence de contrats et donc de produits spécifiques a la Finance Islamique ainsi que la proscription de certaines méthodes classiques découlent des ces piliers :
· Prohibition du Riba : d'u point de vue étymologique, le mot ribâ (nom arabe masculin) vient du verbe rabâ & arbâ qui signifie augmenter et faire accroître une chose à partir d'elle-même.

Il est intéressant de noter avant de donner une définition technique du ribâ que certains juristes estiment que toutes transactions interdites en islam fait partie du ribâ[2].

Du point de vue juridique, nous pouvons définir le ribâ comme étant tout avantage ou surplus qui sera perçu par l'un des contractants sans aucune contrepartie[3] acceptable et légitime du point de vue du droit musulman [4], dans le cadre d'un prêt (ribâ dit al-nasî'a) ou d'une vente à terme des monnaies (le ribâ dit al-nass'a) ou d'un troc déséquilibré des produits alimentaires de même nature (riba dit al-fadl)
· Interdiction du Gharar : Le terme Gharar signifie le caractère aléatoire ou flou d'un échange ou de l'une de ses composantes (nature du bien, prix, description etc.). Le Gharar peut donc être plus largement défini comme la vente de biens dont l'existence et les caractéristiques ne sont pas certaines. On retrouve a plusieurs reprises cette interdiction dans les sources de la Sharia, et en particulier dans la Sounnah. On peut citer a titre d'exemple une parole du prophète Mohammed (pbsl) : « L'Envoyé de Dieu a interdit de vendre la portée d'une chamelle avant que celle-ci ne mette bas. » (rapporté par Al Boukhari, Mouslim).
Dans le même ordre d'idées, on notera également l'interdiction du Qimar (pari) et du mayssir (spéculation). Leur prohibition découle de la possibilité pour l'un des contractants de perdre la totalité de sa« mise ».
· Interdiction du Haram : L'interdiction du Haram signifie que le musulman ne peut traiter des biens jugés illicites par la Sharia. En d'autres termes, les sous-jacents de tout type de contrats doivent également être conformes à la Sharia. Typiquement, dans le cadre d'une prise de participation sous la forme d'actions, un certain nombre de secteurs dont les activités sont considérées comme illicites sont à exclure de l'univers d'investissement (alcool, pornographie, secteur bancaire « traditionnel » etc.).
· Principe des « 3P » : La Finance Islamique est souvent qualifiée de « participative » en ce qu'elle encourage le profit et bannit l'intérêt. A partir du fonctionnement des contrats de participation, elle a mis en place un système basé sur le Partage des Pertes et des Profits (« 3P »). Ce système permet d'associer le capital financier au capital humain. En d'autres termes, un investisseur va confier ses fonds a un entrepreneur avec qui il partagera les bénéfices selon un prorata prédéterminé.
· L' « Asset Backing » : L' « Asset Backing » ou adossement a un actif tangible, apparaît comme l'un des principes qui font de la Finance Islamique une finance reconnue pour son potentiel en termes de stabilité et de maîtrise des risques. En effet, exiger que tout contrat soit rattaché a une activité « palpable » rassure notamment quant aux problématiques de déconnexion de la sphère financière a la sphère réelle.
Le respect de l'ensemble des conditions induites par ces piliers fondateurs de la Finance Islamique permet d'affirmer qu'un produit financier est « Sharia Compliant ». Néanmoins, il semble évident que la bonne foi de l'offreur ne suffit pas a garantir la conformité du produit a la Sharia. Pour pallier a ce problème d'agence, cette responsabilité est confiée a un Sharia Board qui certifie la licéité des produits offerts.

3.3. Le rôle du Sharia Board

Les jurisconsultes musulmans ont une profonde influence sur la pratique quotidienne de la Finance Islamique. En effet, la nécessité d'une concordance continue avec les préceptes de le Sharia impose aux différents acteurs de cette industrie de faire régulièrement appel a un « Conseil de la Sharia », ou Sharia Board. Chargé de surveiller la conformité des produits et des méthodes avec la Loi Islamique, ce comité joue un rôle pivot dans la vie des produits
« Sharia Compliant ».
Le processus de certification d'un produit passera par un certain nombre de questions qui guideront le comité dans cet exercice. Typiquement :
· Les termes de la transaction sont-ils conformes a la Sharia ?
· Est-ce le meilleur investissement pour le client ?
· En tant que gestionnaire de fonds, est-ce une transaction dans laquelle le banquier serait prêt a investir son propre argent ?
Dans le cas spécifique de la surveillance des fonds, il est a noter que le rôle du Sharia Board ne se limite pas au screening des actions ou autres produits mais consiste également a garantir la conformité des stratégies et des méthodes de gestion. Typiquement, il est inexact de stipuler qu'un fonds indiciel dont l'indice de référence est certifié par un Sharia Board est automatiquement « Sharia Compliant ».
Il convient enfin de souligner l'un des problèmes récurrents auxquels font face les acteurs de la Finance Islamique en relation avec le rôle du Sharia Board. En effet, il existe au sein de la communauté musulmane différentes écoles de pensée dont les interprétations de textes religieux sont plus ou moins reconnues en fonction de la sensibilité du client. Ainsi, une institution financière faisant appel a un Sharia Board malaysien pour la certification d'un produit rencontrera des difficultés pour vendre ce produit dans le Golfe. En effet, les pays du Golfe, plus rigoristes, auraient tendance a rejeter certaines interprétations des jurisconsultes malaysiens jugés trop souples. L'on remarque néanmoins des efforts de standardisation de la part d'institutions ayant vocation a réglementer ce marché tels que l'AAOIFI.

lundi 29 août 2016

Etapes à suivre pour créer votre entreprise 

 

Etapes à suivre pour créer votre entreprise 

1- certificat négatif: 

C’est un document qui atteste que la dénomination, sigle ou enseigne demandé n’est pas déjà utilisé et peut être donc exploité pour l’immatriculation au Registre du Commerce.

Entreprises concernées : 

Toutes les sociétés commerciales sauf les personnes physiques et la succursale. Où - En ligne : www.directinfo.ma - Centre Régional d’Investissement / Guichet OMPIC

Organisme concerné : 

Office marocaine de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC)

Documents à présenter : 

- Formulaire à télécharger et à remplir sur www.ompic.org.ma - CIN du demandeur

Frais : 

- 230 MAD pour les personnes morales
- 170 MAD pour les personnes physiques

2- Préparer le dossier de création : 

2-1 Choix du siège social 

Le siège social de votre entreprise est le lieu, précisé dans les statuts, qui constitue son domicile juridique et sa nationalité. Il peut s’agir soit d’une domiciliation, d’un bail commercial ou d’une propriété.

2-2 Etablissement des statuts 

Le statut est un ensemble de dispositions contractuelles, légales qui définissent les règles impersonnelles et objectives applicables à une situation juridique déterminée. Le statut peut être un acte notarié : rédigé par un notaire à la demande du client ou sous seing privé rédigé par les parties ou par des tiers (fiduciaire ou conseiller juridique…).

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés commerciales sauf les entreprises individuelles qui n’optent pas pour enseigne.

Organisme concerné 

Avocat, notaire, expert comptable, fiduciaire, comptable, conseiller juridique.

Frais 

- Honoraires du cabinet - Timbres de 20 MAD sur chaque feuille.


2-3 Préparation des bulletins de souscription 

Le bulletin de souscription est un document que vous devez remplir si vous participez à la constitution du capital de votre entreprise(SA, SAS ou SCA). Ce bulletin constitue une promesse d’apport en espèce.

Entreprises concernées 

SA, SAS, SCA.

Organisme concerné 

Avocat, notaire, expert comptable, fiduciaire, comptable, conseiller juridique.
Frais - Honoraires du cabinet.

2-4 Déclaration de souscription et de versement 

La déclaration de souscription et de versement est un document établi et signé par le président dans lequel il déclare le montant des versements effectués par les actionnaires.

Entreprises concernées 

SA, SAS, SCA.

Organisme concerné 

Avocat, notaire, expert comptable, fiduciaire, comptable, conseiller juridique.

Frais 

- Honoraires du cabinet
 
2-5 Blocage du capital 

Vous devrez bloquer votre capital auprès de votre banque, celle-ci vous délivrera une attestation de blocage. Au moins le ¼ du capital devra être bloqué au moment de la création et le reliquat dans un délai de cinq ans pour la SARL et trois ans pour la SA . Pour la SAS et la SCA, le capital doit être entièrement libéré à la souscription.

Entreprises concernées 

SA, SARL (si le capital social dépasse 100 000 MAD) , SAS,SCA.

Organisme concerné 

Banque

Frais 

- Projet des statuts signé par tous les associés
- Copie du certificat négatif
- Copie du CIN du gérant

3 - Dépôt du dossier de création d’entreprise 

Le dépôt du dossier de création se fait sur rendez vous,

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés.

Où 

- Centre Régional d’Investissement / Guichet Dépôt

Documents à présenter 

- Utiliser l’assistant en ligne du créateur d'entreprise à partir du portail du CRI de votre région

Frais 

- Utiliser l’assistant en ligne du créateur d’entreprise

4 - Traitement du dossier de création d'entreprise : 

Les dossiers de création sont traités au niveau du Back office par les représentants des différentes administrations concernées par la création (impôts, CNSS etc.).Le délai moyen de création réalisé en 2009 était de 5 jours ouvrables.

4-1 L’enregistrement des actes 

La formalité de l’enregistrement a pour effet de faire acquérir date certaine aux conventions sous seing
privé et d’assurer la conservation des actes. Il donne lieu à la perception d’un impôt dit "droit d’enregistrement"

Entreprises concernées 

Statuts, contrat de bail, PV (désignation du gérant, nomination du président, commissaire aux comptes, administrateurs).

Organisme concerné 

Direction Régionale des Impôts représentée au sein du CRI

Frais 

- Statuts : 1% du capital - minimum 1000 MAD NB : pénalité de 30% si l’acte dépasse 30 jours
- Contrat de bail : droit fixe de 200 MAD.
NB : pénalité de 200 MAD si l’acte dépasse 30 jours.
- PV : droit fixe de 200 MAD.

5-2 Inscription à la taxe professionnelle et identification fiscale
Identification de la société au niveau des impôts.

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés.

Organisme concerné 

Direction Régionale des Impôts représentée au sein du CRI

Frais 

Néant


5-3 Immatriculation au registre de commerce 

Le registre de commerce est un casier qui centralise un certain nombre d’informations légales qui constituent la carte d’identité de l’entreprise. L’immatriculation au registre de commerce est une étape obligatoire pour toute entité physique ou morale qui désire prétendre aux statuts de commerçant ou de société.

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés.

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés.

Organisme concerné 

Tribunal de commerce représenté au sein du CRI.

Frais 

- 350 MAD pour les personnes morales.
- 150 MAD pour les personnes physiques.

5-4 Affiliation à la CNSS 

L’affiliation à la CNSS est une obligation légale. Toute entreprise assujettie au régime de sécurité sociale doit être affiliée à la CNSS qui lui délivre dés lors un numéro d’affiliation qui vaut reconnaissance administrative de son identification, son enregistrement et son rattachement au régime.

Entreprises concernées 

Toutes les sociétés.

Organisme concerné 

Caisse Nationale de la Sécurité Sociale représentée au sein du CRI.

Frais 

Néant

5 - Retrait du dossier de création d'entreprise 

Après traitement de votre dossier, on vous préviendra par SMS pour venir retirer votre dossier muni du récépissé de dépôt.

6 - Publication d'un avis d'immatriculation 

Une fois votre société immatriculée au registre de commerce et dans un délai n’excédant pas un mois, deux publicités sont obligatoires au journal d’annonces légales et au bulletin officiel.

Entreprises concernées 

Les sociétés personnes morales.

6-1 Publication au bulletin officiel

Où 

- Centre Régional d’Investissement
- Imprimerie Officielle Organisme concerné Organisme concerné Imprimerie Officielle

Frais 

- 4 MAD / ligne
- 15 MAD de frais d’envoi

6-2 Publication au journal d’annonces légales

Où 

Journal d’annonces légales

Organisme concerné 

Journal d’annonces légales

Frais 

8 à 10 MAD / ligne

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