Les repères pour la gestion des risques fiscaux
1) « Garbage in Garbage out » « Déchets à l’entrée, déchets à la sortie »
Il s’agit d’une hypothèse générale en matière de contrôle interne, de gestion du risque, de comptabilité et de système d’information qui postule que si les données de base ne sont pas saines et parfaitement contrôlées, vous obtiendrez probablement un mauvais produit. C’est ainsi que l’on ne peut avoir de certitude quant à la qualité du produit qu’en s’assurant et qu’en sécurisant la qualité des éléments à partir desquels il est établi.
2) Le risque fiscal est moins bien gérable quand il est géré après coup
C’est parce que le contrôle fiscal intervient après coup « after fact » que l’on peut craindre ses découvertes qu’on n’a pas su gérer de façon proactive. Or, si tout est géré et maîtrisé au préalable et de façon proactive, le risque de l’après coup est mieux maîtrisé.
Il est établi que la fonction fiscale et comptable de l’entreprise gère de façon active 25% du risque fiscal. Les 75% restants sont gérés dans les autres services opérationnels et administratifs de l’entreprise ; les fonctions fiscales et comptables ne les gèrent qu’après coup et s’exposent au risque de subir l’action des services qui en sont responsables.
Généralement, la maîtrise des risques générés par les autres services constitue le plus grand défi de la gestion du risque fiscal de l’entreprise.
3) Perception du risque et gestion proactive du risque fiscal
Le risque n’est pris en considération que lorsqu’il est perçu. Plus l’acuité de perception du risque est forte, plus l’individu ou l’entreprise est capable de le gérer de façon proactive.
Il convient, pour ce faire, de développer ses aptitudes d’identification des évènements inducteurs et des situations inductrices des risques. L’accumulation d’expérience est importante dans ce domaine. Mais les personnes les plus intelligentes sauront surtout profiter de l’expérience des autres.
La perception du risque affecte les comportements. La plupart des sinistres sont dus à des risques qui se sont développés, sous nos yeux, sans être perçus ou sans que leur menace ne soit perçue à sa vrai dimension. Dès que la menace est perçue, le risque oblige à prendre des mesures se sorte qu’il est possible d’affirmer que l’ampleur de la réaction (moyens réservés et mesures décidées) dépend plus de la gravité perçue du risque que de sa gravité objective.
Plus un comptable développe le sens du risque, plus son acuité de vision du risque est percutante, plus son travail et ses conclusions sont fiables et sécurisés et sa gestion du risque proactive et efficace.
4) Le piège de l’accoutumance au risque
Lorsqu’un risque, bien que perçu, est pris volontairement ou négligé, et qu’on s’est jusque-là tiré d’affaire, notre perception de ce risque faiblit avec le temps. Or, la probabilité qu’il se réalise est à chaque nouvelle exposition, plus forte que la fois précédente à laquelle on a échappé. Autrement dit, la fréquence du risque et sa persistance dans le temps augmentent la probabilité de sa réalisation.
5) L’audit fiscal à blanc
L’audit fiscal à blanc est un outil de détection des risques fiscaux et d’amélioration de la gestion des risques par les mesures correctrices qu’il peut suggérer. Bien que nécessairement différent de contrôle fiscal, l’audit fiscal à blanc permet de se préparer au mieux aux contrôle fiscaux. Le démarrage d’une mission d’assistance comptable est généralement précédé par un audit fiscal à blanc. L’audit fiscal aussi, couramment, des dues diligences qui précèdent l’acquisition d’une entreprise avec pour principal objectif l’estimation du risque fiscal à prendre en compte dans les négociations.
L’audit fiscal à blanc vise deux objectifs complémentaires :
- L’audit de compliance ou de conformité qui permet de s’assurer du respect par l’entreprise de la règlementation fiscale applicable ;
- L’audit d’opportunité qui permet de s’assurer que la gestion fiscale est optimisée en vérifiant notamment que l’entreprise auditée a su profiter de toutes les opportunités et de tous les avantages offerts par la législation fiscale.
6) Rester éveillé (stay awake)
La matière fiscale est en perpétuel mouvement. Les personnes chargés de la fiscalité doivent mettre à jour leurs connaissances continuellement et bénéficier de dispositifs de veille fiscale permettant de suivre, rapidement et en temps opportun, l’évolution de la législation, de la règlementation, de la doctrine et des pratiques administratives et d’en informer l’ensemble des personnes impliquées dans la gestion fiscale de l’entreprise.
7) La supériorité des approches collaboratives
C’est parce que la matière fiscale est diffuse dans l’entreprise et que l’administration fiscale est l’autorité de contrôle et de validation des pratiques fiscales de l’entreprise qu’il convient d’observer une double approche collaborative :
- La première en interne basée sur une communication, une collaboration et une assistance mutuelle des différentes personnes impliquées par la gestion fiscale de l’entreprise ;
- La deuxième en externe basée sur une communication de qualité et le développement d’excellentes relations avec l’administration fiscale, la prise en compte de sa doctrine et de ses pratiques ainsi que la construction d’un réseau de consultation et de concertation.
Enfin, il est établi que la capacité de résolution des problèmes est toujours supérieure lorsqu’elle résulte d’un processus coopératif et interdisciplinaire.
8) Importance du principe « Tone at the top »
Le ton donné par la direction et son exemplarité sont déterminants dans le domaine de la gestion du risque et du contrôle interne.
Le ton donné par la direction a une incidence importante en ce qui concerne notamment :
- La façon d’assumer ses obligations fiscales, la surveillance et la gestion des risques fiscaux,
- Les attitudes et les décisions à l’égard des questions fiscales et comptables,
- L’importance accordée à l’atteinte des objectifs
9) L’échelle de maturité de la gestion du risque fiscal
L’échelle de maturité de la gestion du risque fiscal est composée de six niveaux :
- Niveau 0, Gestion inexistante : L’entreprise n’est même pas consciente qu’il y a un risque fiscal à gérer, positif ou négatif.
- Niveau 1, Gestion initialisée : L’entreprise a conscience qu’il y a un risque fiscal (positif ou négatif) qu’elle gère de façon réactive et improvisée au gré des personnes.
- Niveau 2, Gestion non formalisée : Le processus de gestion est conçu et transmissible mais reste non formalisé. Bien que l’ensemble des personnes impliquées par la fiscalité utilisent des procédures qui contribuent à la gestion du risque fiscal, il n’ y a pas de formation organisée, ni de procédures écrites (manuel de gestion des risques). La responsabilité est laissée à l’individu dont le comportement peut échapper à la correction par le système.
- Niveau 3, Processus standardisé : Les procédures de gestion des risques sont définies, documentées et communiquées par une formation structurée. Toutefois, peu de contrôle permet de constater et corriger les déviations. Le système reste standard et innove peu.
- Niveau 4, Processus maîtrisé : il est possible de constater et de mesurer la conformité des pratiques au système conçu et formalisé et d’agir lorsque les processus ne fonctionnent pas correctement. Les processus s’améliorent continuellement en s’inspirant des meilleures pratiques. Le système développe de façon efficace des auto-contrôles et tend vers l’optimisation.
- Niveau 5, Processus optimisé : Les processus ont atteint le niveau des meilleures pratiques suite à une dynamique d’amélioration constante. L’optimisation et la planification fiscales sont globales et s’exerçent dans le strict respect des critères de compliance.
Le système est gouverné par une logique d’amélioration continue, de développement et d’utilisation de compétences élevées et intègres.
Les entreprises se situent à des niveaux différents dans l’échelle de maturité de gestion du risque fiscal. Il est important de se situer par rapport à cette échelle dans un premier temps, se fixer des objectifs et se donner les moyens pour s’élever aux niveaux supérieurs, ensuite.
10) Remontée de l’information et documentation des anomalies
La remontée de l’information en temps opportun est un facteur important de gestion du risque fiscal. Les responsables doivent être mis au courant des évènements et risques dès leur apparition ou découverte selon une politique et des procédures sécurisées de remontée de l’information (Whistle-blowing policy).
Une bonne pratique pour la gestion des risques consiste à tenir un registre des anomalies pour les étudier, en comprendre les causes et y remédier.
11) Le risque de conjonction malencontreuse de circonstances
L’impact d’un risque qu’on appréhendait est toujours plus grave quand il se réalise à un mauvais moment.
De nombreux évènements sont interdépendants, de sorte qu’un évènement non pris en charge ou négligé, peut en déclencher un autre (par exemple, une simple demande d’information de l’administration fiscale traitée avec négligence peut évoluer vers des investigations plus avancées).
La conjonction de risques dans des circonstances difficiles et le déclenchement d’une cascade d’évènements peuvent rendre la situation plus difficile à gérer. En appréciant un événement, il faut mettre en perspective ses ramifications possibles. Assez souvent, l’impact des risques est plus grave quand il se déclenche dans de mauvaises circonstances.
Les plus grands sinistres sont souvent le produit d’une conjonction malencontreuse de circonstances.
12) La gestion du risque fiscal et l’étape du cycle de vie de l’entreprise
Les risques fiscaux ne sont pas les mêmes selon l’étape du cycle de vie de l’entreprise.
Le cycle de vie d’une entreprise peut être présenté en cinq phases :
Prospection démarrage
Croissance rapide
Maturité
Transformation ou transmission
Déclin
Prospection démarrage
Cette phase est généralement caractérisée par la limitation des ressources et la priorité donnée aux considérations opérationnelles sur les problèmes de gestion y compris fiscaux, ce qui favorise le risque de non saisie d’opportunités fiscales et de défaillances fiscales.
Croissance rapide
L’entreprise est confrontée à divers problèmes dont la résolution exige beaucoup de temps et de ressources. Si l’entreprise n’a pas été bien préparée à cette phase, les préoccupations des dirigeants risquent de s’exercer au détriment des problèmes d’organisation, de contrôle interne et de gestion fiscale. Cela risque de favoriser un environnement favorable à la défaillance et au developpement des risques non gérés.
Maturité
C’est la période la plus propice à la gestion des risques fiscaux : la direction tente souvent d’améliorer son confort par des bonnes pratiques de gestion des risques, de simplifier et d’intégrer sa structure de gestion et de rationaliser les processus.
L’entreprise s’expose, néanmoins, à la menace bureaucratique qui procure une fausse impression de performance et de quiétude.
Transformation ou transmission
Lorsque la croissance se stabilise et que la loyauté des clients décroit, l’entreprise soit fait peau neuve pour retrouver une nouvelle courbe de croissance, soit poursuit son déclin. Comme la pénétration de nouveaux marchés exige souvent des compétences et des habilités entrepreneuriales considérables, un grand nombre d’organisations arrivées à maturité, réalisent leur transformation ou leur transmission en recourant à la coentreprise, à de nouveaux investisseurs (acquéreurs) et à des partenariats stratégiques.
La transformation ou la transmission font naître des risques fiscaux spécifiques qui doivent être bien compris et gérés de façon proactive.
Le déclin
A cette étape, l’entreprise dont le chiffre d’affaire et les bénéfices chutent et dont les flux de trésorerie sont négatifs, comprime souvent son effectif et ses programmes afin de tenter de renouer avec la rentabilité et les rentrées de fonds, ainsi que de rassurer les parties prenantes. L’exposition au risque fiscal dû à la négligence dans cette phase est élevé, ce qui , à son tour peut rendre la reprise plus difficile.
Les impôts représentent un facteur de coût et une facteur de risque qui pèsent sur l’efficacité globale d’une entreprise.
Avec un taux de pression élevé pour les entreprises de l’économie structurée, les impôts viennent, pour beaucoup d’entreprises, au troisième rang des décaissements après les fournisseurs et le personnel, voire même au deuxième rang des décaissements juste après les fournisseurs de matières et de marchandises ou le personnel pour certaines activités.
L’information sur le volume réel des impôts décaissés est occultée par les méthodes de présentation comptable dans l’état de flux de trésorerie puisque de nombreuses impositions sont noyées dans les postes de rattachement. Par exemple, les retenues à la source sur salaires et les cotisations sociales sont présentées avec les décaissements au titre du personnel.
La mise en place d’une gestion du risque fiscal et d’un contrôle interne fondé sur une approche par les risques est un investissement, certes important, mais probablement sans commune mesure avec le retour sur investissement. Dans son témoignage sur l’importance de la gestion du risque fiscal présenté dans le cadre de l’enquête annuelle d’Ernest&Young France « Radiographie de la fonction fiscale en entreprise (2005) », Frédéric Rock, Directeur fiscal chez Air France, déclare : « un risque fiscal non encadré altère la viabilité d’une opération, la fiscalité est plus flexible si elle est anticipée et la maîtrise fiscale peut être porteuse de solutions efficaces ».
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